Doucement , doucement , près de la cheminée ,
J'ai dans sa folle flamme emprisonné mon coeur
Mais n'ai pu ramasser au bout de la journée
De quoi me faire au soir de la longue veillée
Un pâle collier de bonheur .
J'ai glâné dans les coins , j'ai cherché sous les heures .
Je voulais en avoir , même n'en trouvant pas
Et chaque fois , déçue , repoussant chaque leurre
J'ai refermé bien clos le seuil de ma demeure
Pour qu'un démon n'y rentre pas .
Un démon qui viendrait ternir les anciens gestes ,
Eteindre à tout jamais les braisons réchauffants
Dont la flamme n'est plus , mais dont la chaleur reste
Comme l'air parfumé d'une colline agreste
Quand vient de finir le printemps .
Il pleut ! des arbres nus bercent des songes vides
Les volets se sont clos sur les tristes maisons
Qui grelottent de froid , sous l'écran de leurs rides
Devant le grand désert des ruelles sordides
Où ne chantent plus les garçons .
Toutes perdues , hélas , dans leur propre misère
Et protégeant du vent leur balcon édenté
Enfouissant leur nez dans leur fichu de pierre
Elles ont presque l'air de très vieilles grand mères
Sous leur bonnet de tuiles roses tuyauté .
Triste la pluie est là , sur la vitre qui pleure
De grosses larmes d'eau que les nuages font .
Moi , je regarde au loin les petites maisons
Et j'écoute en mon coeur l'écoulement des heures .