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Le Gassendi Rade de Gibraltar le 22 septembre 1849

 

Mes chers parents,

Je m'empresse de satisfaire à la promesse que je vous ai faite lorsque je vous ai quitté de vous écrire de notre premier point de relâche. Voilà six jours que je suis parti et parti pour  trois ans , celà me semble pas vrai, je n'y crois même plus sans avoir même donné pour ça. Il me semble qu'il doit survenir des circonstances telles que nous en resterons si longtemps dehors. Du reste, ce que j'en dis là, n'est pas que je m'ennuie ou que j'ai moins de plaisir à faire ce voyage, mais rester trois ans sans vous voir et vous embrasser, c'est bien long. Si ce n'était celà, nous sommes très       à la mer . Nous avons une condition excellente, nous faisons des             nous tirons sur les requins et les marsouins, nous avons aussi nos heures de travail avec mon chirurgien Major et puis lorsque vient le soir, avant de nous coucher nous buvons un punch ou un vin chaud.

Je t'assure que le temps passe dix fois plus vite à la mer qu'en rade; nous avons eu pour venir jusqu'à Gibraltar un temps fort beau si ce n'est la première nuit et les premiers jours où nous avons eu des coups de vent bien forts. Il était impossible de se tenir autrement que couchés, les coups de mer atteignant jusqu'au haut de notre cheminée qu'ils ont couverte d'une épaisse couche de sel. Nous avons failli perdre un grand canot dont le support qui est un banc de fer comme le bras a été cassé. Du reste je n'ai pas plus craint la mer que         et malgré le mauvais temps, j'ai toujours bien mangé ; on ne m'a jamais vu si frais, si bien portant, qui mange trois fois plus qu'à Toulon. Aussi, n'ayez aucune inquiétude sur ma santé. Pour moi je n'en n'ai qu'une c'est de revenir trop gros. Du reste nous allons dans des pays qui tous sont plus sains les uns que les autres. Nous allons aller à Gorée. Nous partons samedi de Gorée à Rio de Janeiro. A mon idée nous passons le détroit de Magellan, à Valparaiso, peut-être à Lima et de là à Tahiti où j'espère trouver une lettre de vous. Pour celà il faut écrire par les paquebots anglais . Adressez vos lettres à Monsieur Maurin matelot infirmier à bord du Gassendi. Elles ne vous coûteront que cinq sous d'affranchissement jusqu'en Angleterre.

Après quatre jours de traversée nous sommes arrivés à Gibraltar où nous sommes venus compléter le charbon que nous avions brûlé, faire de l'eau et des vivres. La rade de Gibraltar est fort belle. La ville est adossée à une immense montagne de rochers que je ne puis comparer qu'à la montagne de Notre Dame du Muy si ce n'est que le mont Gibraltar est bien plus grand. Une partie de ce rocher est creusée de mains d'homme et forme des souterrains qui sont autant de bateries dont les embrasures percées dans les flans de la montagne batent la rade et la presqu'île .  Au milieu de la montagne on trouve un ancien château maure qui est très conservé et qui offre l'aspect le plus pittoresque moitié espagnol moitié anglais.

L'aspect de Gibraltar est des plus singulier: d'une part la                            et la gravité anglaise et d'autre part le laisser aller et la désinvolture espagnole qui offrent autant de contraste que cheveux et les sourcils blonds , le teint rose et sympathique des Goddany et des ladies avec les cheveux noirs , les yeux noirs et pleins de feu, le teint doré des andalous et des andalouses . Au reste, la population bourgeoise est en entier espagnole . Tandis que la population militaire est en entier anglaise ou écossaise. Ce sont, du reste des troupes magnifiques . La ville est fortifiée comme il n'y en n'a pas deux au monde. Partout des                   des courses ou

que les officiers français puissent retourner à bord. Les anglais qui ont volé Gibraltar par surprise ne veulent pas qu'on leur rende la pareille car Gibraltar est presque imprenable autrement. Du reste, nous sommes parfaitement bien vus et bien reçus partout : des espagnols en             des anglais et des anglais par orgueil car ils savent bien que nous sommes forcés d'admirer leurs belles fortifications. Il y a une fort belle promenade au jardin public qui sépare Gibraltar en deux parties qui ont bien une demi lieue de long et au milieu duquel on trouve un champ de manoeuvres.

Mais je m'aperçois que je suis au bout de mon papier . J'espère donc vous écrire de Gorée  où nous arrivons fin juin d'après         espère vos lettres        par l'Angleterre de 3 mois et demi à 4 mois afin que j'ai de vos nouvelles les plus fraîches possible.

Je finis ma lettre en vous priant d'embrasser pour moi ma tante Thérèse, la famille                             de Gibraltar et de faire mille caresses à la                                     . Puis-je te charger toi mon père d'embrasser                                         que je vous aime bien et vous embrasse un million de fois.

 

F.Maurin