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Rio de Janeiro décembre 1845

 

Mes chers parents ,

 

Nous voici depuis ce matin arrivés à Rio Janeiro , capitale du Brésil , après un mois de traversée de ...( Sénégal ) . Ici même , nous avons appris qu'un navire marchand part immédiatement pour le Havre . Je me hâte de vous écrire pour ne pas perdre cette occasion . Je n'ai encore rien vu de la ville si ce n'est le coup d'oeil et celui de la rade qui est le plus beau que j'ai jamais vu . La rade même de Naples dont je vous ai parlé si souvent comme d'une merveille n'est rien - ou du moins peu de choses - en comparaison de celle - ci .Ce sont de tous côtés des arbres gigantesques , des clochers immenses , qui surplombent les innombrables couvents qui s'y trouvent ( car le pays est encore tout entier sous la domination des moines , comme l'était l'Espagne , il y a 50 ans ) .
La rade est couverte de navires de toutes les nations , sillonnée en tous sens par les bateaux à vapeur qui vont à St Domingue( qui se trouve de l'autre côté de la rade ) . Quand aux éléments , je ne puis encore parler que de nuages et de brouillard , car il parait que nous sommes arrivés dans le temps des pluies . Du reste , le climat est .. plus ..
Du reste , comme dans tous les pays où nous irons , dans aucun ne règnent les maladies épidémiques , ce qui ne doit pas peu vous rassurer sur ma santé qui a toujours été et qui sera toujours , je l'espère , la meilleure du monde .Je ne désire qu'une chose , c'est que vous vous portiez tous aussi bien que moi . Ce n'est pas que nous n'ayons eu beaucoup de malades à bord , maladies causées par les chaleurs de la ligne , mais nous n'avons eu personne de mort , quoique presque tout l'équipage ait été malade .Mais votre serviteur , avec un bonheur qui me fait bien préjuger pour le reste de la campagne , a supporté ... sans éprouver la plus légère indisposition .Ce que j'ai supporté avec beaucoup moins de stoïcisme , c'est la quantité de "fayots" ( haricots ) et de lard salé qu'une traversée d'un mois nous a forcé d'absorber .Enfin ,combien de fois avons nous béni la caisse de figues et les pots de confiture ainsi que les jours bienheureux où le canard ou la poule de Gorée venaient nous présenter sur la table le bon souvenir du Sénégal . A propos du Sénégal , vous devez avoir reçu de moi , de ce pays , une courte lettre , dans laquelle je vous annonce une plus longue missive , que notre départ précipité de ce pays m'a empêché de vous envoyer . Enfin ,je vais vous dire quelques mots sur ce pays . Gorée est une petite île , occupée en partie par un vaste fort et de l'autre couverte de maisons qui ont été converties en masures par un raz de marée qui a détruit en partie la ville .
Elle est habitée en grande partie par des nègres de la plus belle race . On y voit bien quelques français et un certain nombre de pantalons garence , sur la figure desquels se peint l'ennui . Tous ont l'air de bailler . Aussi , de peur de voir stéréothyper sur ma face cette physionomie peu gracieuse , ne suis-je resté dans ce disgracieux pays que le temps de le connaître et de voir deux ou trois camarades que j'y ai rencontrés . Et j'ai partagé mon temps entre la pêche à la ... qui avait lieu tous les matins et qui donnait assez de poissons pour faire gorger un équipage trois fois plus nombreux que le nôtre . La pêche finie - qui ne durait pas plus d'une heure - nous partions pour aller chasser ces jolis oiseaux aux brillantes couleurs que nous admirons dans les collections et qui sont aussi nombreux que les moineaux chez nous , et dont j'ai empaillé quelques uns .
Cette chasse se fait sur la grande terre au continent qui ne se trouve éloigné de Gorée que de trois quart de lieux environ ;
Enfin , nous avons appareillé , emportant avec nous un petit singe qui nous fait passer le temps à bord . Nous avons eu constamment un temps magnifique . Aussi sommes nous allés presque tout le temps à la voile . Nous avons eu quelques jours de calme à notre arrivée sous la ligne et nous allions avec des embarcations autour du navire , tirer sur des bandes de pétrels qui nous suivaient . J'ai eu l'honneur d'être le seul à en tuer . Enfin , il y a quinze jours , a eu lieu à bord la cérémonie du baptême de la ligne telle que je m'en vais vous la raconter :d'abord la .... les officiers et le commandant sur le pont . On a hélé le bâtiment au grand mât. L'officier a répondu ! Gassendi , le nom du commandant puis le postillon du père La ligne est descendu par une corde avec le cuisinier qui est venu nous offrir des crêpes et sommer le commandant de lui remettre la liste de ceux qui n'avaient pas reçu le baptême et tandis que nous mangions les crêpes , une grêle de haricots et de pois est tombée sur nous des hunes . Enfin le lendemain , le père et la mère La Ligne traînés dans une baignoire , précédés par les sapeurs , les tambours , les clairons et une légion de diables noirs et rouges suivis d'un prêtre , tous parfaitement costumés et couronnés de papier doré ont fait le tour du bâtiment et se sont rendus au pied d'un autel qui avait été dressé sur l'arrière du navire . Là , les gendarmes sont allés sommer le commandant de payer la rançon du navire , sous peine de se voir ... la rétribution reçue . On a célébré un simulacre de messe puis on s'est saisi du lieutenant , on l'a emmené auprès de l'autel et puis , chacun de nous en particulier , après avoir passé un peu de farine sur ses joues , s'est rasé avec un immense rasoir de bois .On versait un peu d'eau sur la main mais , arrivé aux passagers et aux maîtres , on les faisait asseoir sur une baye couverte d'une planche et pleine d'eau , avec un tapis . Au moment où le patient était attentif à la cérémonie de la barbe , on faisait jouer la planche à bascule et il se trouvait précipité dans le fond de la baye pleine d'eau et au moment où il croyait se relever , une pompe se démasquait et un jet d'eau